Eric SOUFFLEUX, un maraicher 100% en AMAP
- Agriculture biologique
- Label : Traction animale Fjord
- Produits : Légumes
Parcours et historique :
Comme de nombreux nouveaux agriculteurs, Éric n’est pas né maraîcher mais l’est devenu à la suite d’une reconversion professionnelle. Pourquoi ? « Professeur de karaté et diététicien, je me sentais en insécurité professionnelle dans ce milieu et j’ai souhaité me reconvertir et m’orienter vers un projet plus en phase avec mes valeurs. Je suis devenu écologiste à partir de 2002. Maintenant, je suis cohérent, surtout avec la traction animale. »
Après une première année de formation d’un an en 2005 à Nantes, Éric a fait plusieurs stages très différents. Le coup de foudre d’abord en travaillant pour l’Arpège dans un des potagers d’Alain Passard pendant trois semaines, où il a découvert le travail pendant une semaine avec une Jument, puis plus traditionnellement auprès de maraîchers biologiques mécanisés.
La particularité du projet d’Éric, se lancer tout de suite 100 % en AMAP dès 2009, une AMAP à la ferme et deux à Saint-Nazaire. Au début il a fallu acheter la ferme et investir, « travailler beaucoup et ça a été dur, car le maraîchage c’est dix ans d’apprentissage, pour au final gagner à peine plus que le smic. On fait des erreurs c’est obligé. »
Maintenant le bilan économique de la ferme est sain, dès que ce sera possible avec la fin des remboursements, Éric essayera de récupérer du temps libre.
Et puis il y a le cheval, de plus en plus utilisé, d’abord à deux, en raison du danger, maintenant tout seul. Prochaine étape, probable, une revente de tracteur, pour être cohérent.
Tes amaps:
« J’ai une AMAP à la ferme (35 paniers), du côté de Saint-Père en Retz, et deux distributions à Saint-Nazaire du côté de l’église Saint Gohard (50 et 45 paniers). Ça marche très bien, pas de problèmes de confiance, deux tiers des familles sont là depuis le début, mais c’est moi qui assure toute la coordination. Je me méfie des associations et de devoir mettre mon destin dans les mains de coordinateurs, avec le risque que ça ne tourne pas. Il y a aussi d’autres producteurs sur les AMAPs (œufs, poulet, volaille, pain). »
Pas mal de publicité au lancement et rapidement 170 paniers, aujourd’hui 130, mais sans faire la moindre publicité, ce qui va sûrement redevenir nécessaire. Le chiffre d’affaires a fortement baissé, parce qu’il a fallu apporter de la souplesse pour ne pas perdre les familles qui s’engagent. Maintenant c’est stabilisé. « Pour les familles quand même c’est beaucoup de contraintes alors je leur laisse la possibilité d’enlever jusqu’à six paniers par tranche de 6 mois de contrat pour les congés, et puis je propose des paniers moins gros, plus adaptés à la consommation des familles. C’est la taille qui a diminué, pas le nombre. La première année les familles donnent leurs paniers à leurs voisins, mais assez vite se lassent des paniers perdus ou trop remplis qu’ils n’arrivent pas à manger ».
Techniques
Côté technique Éric – 100 % bio – a évolué de pratiques mécanisées vers l’utilisation de plus en plus intensive et régulière du cheval, jusqu’à 90 % des tâches physiques au champ. « Avec le cheval on va un peu moins vite. Je fais jusqu’à 15 heures de cheval par semaine. Avec la bio on n’utilise pas de chimie, mais il ne faut pas se leurrer, à la place il faut plus de tracteur. Avec le cheval je suis cohérent et il y a beaucoup de plaisir. Il faut de bonnes techniques pour ne pas trop se fatiguer, et puis c’est moins violent que le tracteur où on est tout le temps secoué, les mains dans la graisse, la tête tournée toujours derrière soi pour contrôler la montée et la descente des outils, et où on manipule des accessoires très lourds. »
Éric ne fait pas de labours, il cultive en buttes, ce qui est très bénéfique pour le sol qui est beaucoup plus vivant. Cultiver sur butte est spécifique de l’emploi de la traction animale car les chevaux ont besoin d’un repère pour marcher droit. Ils savent qu’ils doivent marcher dans le sillon et c’est le grand secret pour pouvoir travailler seul avec ses animaux. Renoncer au labour, c’est permettre une meilleure humification. La matière organique ne se transforme en humus que grâce à l’action de champignons exclusivement aérobies. Et pour qu’il y ait de l’oxygène, il ne faut pas être loin de la surface, dans les 5 à 8 cm de terre arable immédiatement sous la surface. Le travail sur butte non permanente (car en fait on les travaille en les décalant) permet d’enfouir la matière organique sous quelques centimètres de terre, ce qui permet l’humification.
Spécificités du 100 % AMAP
« Une des grandes particularité du 100 % AMAP, c’est que c’est beaucoup plus facile de prévoir les plantations, la quantité, surtout les premières années. L’avance de trésorerie est un atout considérable très confortable. Le fonctionnement AMAP permet d’ajuster les légumes et le temps à y passer. »
En étant 100 % en AMAP on ne raisonne pas pareil. Le système est hyper optimisé : on plante juste ce qu’il faut et on récolte juste ce qu’il faut « il m’arrive de ne pas ramasser certains légumes et les laisser dans le sol. Quand j’en ai mis assez dans les paniers j’arrête. Ça sert à rien de trop les remplir. »
« Mais LA différence du 100 % c’est le temps de distribution. Sur les marchés il faut y passer 25 % du temps de travail, en AMAP c’est 8 %. Et puis avec les marchés il y a les aléas du climat et du gâchis. La différence c’est 15 % de temps économisé pour produire à se partager entre les mangeurs et le producteur. Et puis sur les marchés les prix sont tellement bas que ce temps de vente c’est quasiment du bénévolat. »
Santé économique, tes trucs est astuces
La ferme d’Éric Soufleux c’est LE temple du chiffre et de la transparence. Toutes les informations financières sont en ligne.
Malgré la baisse du chiffre d’affaires qui est descendu de 200K€ à 100K€, la rentabilité de l’exploitation n’a pas été affectée. Moins de recours aux saisonniers, comme la main d’œuvre est le principal poste de dépenses, ça permet de réduire la grosseur de l’exploitation. Éric a encore un salarié en CDI à temps partiel.
Côté prix du panier, Éric calcule le prix de vente de ses produits s’il les vendait sur les marchés. En moyenne, dans chaque panier il y a 2 à 3 euros de légumes en plus.
Au final ça va plutôt bien, et Éric devrait bientôt finir de rembourser tous ses emprunts (sur 5 ans), ce qui fait quand même 16K€ par an de récupérés, probablement pour libérer du temps, c’est ça la variable d’ajustement.
« De toute manière avec l’augmentation des prix de l’énergie, beaucoup d’exploitations ne s’en sortiront plus, il faudra être très gros ou très petit et spécialisé, distribuer localement pour s’en sortir. »
Conseils, messages:
Divers conseils ou recommandations, la première la communication, il faut communiquer, avec les amapiens en particulier, c’est très important.
Éric fait aussi vivre son site web qui au final n’a pas nécessité un investissement en temps trop important.
Ne pas trop remplir les paniers, ça ne sert à rien au final.